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L’urgence d’une bonne information à l’Urgence

Monique Carrière

Nous vivons à l’ère des communications et de l’explosion des connaissances. Chaque jour, une quantité phénoménale d’informations sont émises grâce à des technologies de plus en plus puissantes et de plus en plus sophistiquées. On parle d’information continue, d’information en temps réel, de campagne d’information, de bulletin d’information et de trousse d’information. L’information est omniprésente. Malgré tout cela, nombre de personnes se plaignent de ne pas être informées adéquatement et de ne pas être entendues comme elles le souhaiteraient. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de la santé et, notamment, à l’Urgence où la tension est grande et quand il y a des problèmes de santé mentale où l’inhabituel et l’incompréhensible sont présents. Les utilisateurs de services, les membres de leur entourage et les intervenants ont tous quelque chose à dire sur leurs besoins d’information et sur les qualités de l’information recherchée.

Ce texte montre comment l’information est cruciale dans le champ socio-sanitaire et comment elle est liée à la communication entre des acteurs motivés et rationnels, c’est-à-dire des acteurs qui ont des attentes et des intérêts différents vis-à-vis de l’information qu’ils veulent échanger ainsi qu’une logique personnelle pour l’apprécier ou juger de sa valeur. En effet, l’information touche à la fois la santé, le bien-être et les valeurs des personnes utilisatrices de services, les préoccupations membres de l’entourage de même que la collaboration entre les intervenants. Elle prend plusieurs formes, elle est échangée dans divers contextes et suscite souvent bien des émotions. Les points de vue des uns et des autres divergent sur la question des contenus et des formes d’information, de même que sur la dimension temporelle qui l’accompagne, à savoir le moment pertinent d’une communication et le délai de réponse acceptable. Par ailleurs, l’information est au cœur des débats quant à la confidentialité des renseignements et quant au partage de l’information. D’une part, l’information peut être vue comme un secret dont la révélation pourrait causer des préjudices, d’autre part, elle est considérée comme le gage d’une collaboration efficace et d’une meilleure continuité des soins. Ces préoccupations comme les autres qui ont été énumérées sont légitimes et coexistent souvent simultanément. Comment faire quand il y a tant à faire et tant de manières de le faire ? Voyons quelques principes et quelques pistes d’action applicables à l’Urgence.

L’information, un droit reconnu dans la loi

Dans la loi sur les services de santé et les services sociaux, plusieurs articles traitent du droit de l’usager à l’information, du consentement requis, de sa participation à l’élaboration de son plan d’intervention, de son droit d’être accompagné et assisté pour obtenir de l’information, tandis que d’autres articles traitent de la confidentialité du dossier de l’usager et des règles de transmission de renseignements à divers interlocuteurs. De toute évidence, l’information n’est pas traitée à la légère.

Parmi tous ces articles, soulignons-en quelques-uns qui posent les principes de base. Ainsi, l’article 4 dit : «Toute personne a le droit d’être informée de l’existence des services et des ressources disponibles dans son milieu en matière de santé et de services sociaux ainsi que des modalités d’accès à ces services et à ces ressources.». L’article 8 mérite aussi qu’on s’y arrête : «Tout usager des services de santé et des services sociaux a le droit d’être informé sur son état de santé et de bien-être, de manière à connaître, dans la mesure du possible, les différentes options qui s’offrent à lui ainsi que les risques et les conséquences généralement associés à chacune de ces options avant de consentir à des soins le concernant. Il à également le droit d’être informé, le plus tôt possible, de tout accident survenu au cours de la prestation de services qu’il a reçus et susceptible d’entraîner ou ayant entraîné des conséquences sur son état de santé ou son bien-être ainsi que des mesures prises pour contrer, le cas échéant, de telles conséquences ou pour prévenir la récurrence d’un tel accident.»

La loi est claire et les acteurs dans l’ensemble sont d’accord avec son bien-fondé. L’information fournie à l’Urgence doit tenir compte de ce qui vient après cette intervention bien circonscrite et ouvrir de nouvelles voies pour que la personne et son entourage puissent obtenir les services nécessaires à leur situation dans un avenir immédiat comme dans le futur. Mais beaucoup d’acteurs se plaignent d’un manque d’information ou de difficultés de communication. Que faut-il faire pour que la communication soit satisfaisante et que l’information circule efficacement ?

L’information, une ressource clé pour les différents acteurs

Plusieurs recherches menées dans le système de santé montrent que les personnes utilisatrices de services et les membres de leur entourage veulent de meilleurs échanges avec les intervenants en santé. En effet, que ce soient les utilisateurs de services eux-mêmes ou leurs accompagnateurs, ils affirment, d’une part, leur besoin d’être mieux informés et, d’autre part, leur désir d’être écoutés lorsqu’ils veulent donner de l’information. De la même manière, les intervenants réitèrent la nécessité de mieux communiquer entre eux, de mieux faire circuler l’information. Pour collaborer efficacement, ils ont besoin d’information. Ils veulent aussi être écoutés par les uns et les autres. Les planificateurs et les gestionnaires en santé et services sociaux, en réponse à toutes ces attentes, ont imaginé la création des réseaux locaux, des continuums de services, des agents de liaison et de toutes sortes de systèmes et de circuits d’information. L’information constitue véritablement une source d’empowerment et de mieux-être pour les personnes et une ressource pour agir efficacement. Malgré toutes les directives et les ressources mises en place, des problèmes subsistent. Comme répondre concrètement aux utilisateurs de services, aux membres de l’entourage et aux intervenants ? Quelles sont les qualités de l’information recherchée ?

Le sens du mot «information»

Pour répondre aux questions soulevées, voyons d’abord ce que dit l’édition 2008 du dictionnaire Larousse. Plusieurs définitions nous sont proposées. Une première renvoie à l’action d’informer, une deuxième au fait de s’informer, une troisième au renseignement obtenu de quelqu’un sur quelqu’un ou quelque chose, et enfin, une quatrième renvoie à l’élément de connaissance susceptible d’être codé pour être traité, conservé ou communiqué. En se concentrant sur les deux premières et en cherchant le sens des mots, il apparaît qu’«informer» veut dire «mettre au courant, avertir, aviser, renseigner». Le mot «avertir» signifie «prévenir», le mot «prévenir» suggère «informer par avance, aller au devant de quelque chose pour l’empêcher de se produire, en prenant des précautions, les mesures nécessaires». Le mot «renseigner» signifie pour sa part «donner des indications, des éclaircissements à quelqu’un».

Comme on peut le constater, l’information implique la plupart du temps une interaction entre des personnes, de même que l’action de donner et de prendre. On y retrouve aussi l’idée d’aider, de guider, de rendre service, de chercher le bien de l’autre. L’information n’est pas neutre, elle a du sens, elle établit un pont entre les personnes, elle doit proposer des possibilités et protéger du danger ou des inconvénients. N’y a-t-il pas là des principes fondamentaux pour penser l’échange d’information ?

Les souhaits communs des différents acteurs

Après avoir écouté des centaines d’acteurs à travers différentes recherches sur la collaboration dans le domaine de la santé et des services sociaux que ce soit en santé mentale ou en réadaptation, que ce soit des personnes utilisatrices de services, des membres de l’entourage, des parents d’enfants handicapés, des intervenants des systèmes de santé et d’éducation publics, du communautaire ou du privé, il ressort plusieurs attentes communes. Les personnes, quel que soit leur statut, veulent être écoutées, reconnues, considérées et respectées. Elles veulent participer aux décisions qui les concernent. Elles veulent savoir ce qui se passe, ce qu’il est possible de faire. Elles veulent se sentir en sécurité, soutenues, protégées, appuyées par leur interlocuteur. Elles veulent que leur action soit facilitée et plus efficace grâce à l’information reçue.

Dans le même ordre d’idées, il est apparu au cours de ces travaux que l’information valorisée c’est d’abord celle que l’on a et qu’on voudrait transmettre parce qu’on considère qu’elle ferait une différence ou qu’elle améliorerait la situation. C’est notamment le cas des membres de l’entourage qui voudraient être entendus des intervenants. Ils ont des informations exclusives et pertinentes compte tenu de leur vécu avec la personne utilisatrice des services. Les intervenants gagneraient à leur donner la parole et à connaître ainsi une autre facette de la réalité. Les membres de l’entourage se sentant considérés feraient de meilleurs collaborateurs encore. De la même manière, les intervenants du milieu hospitalier ont souvent acquis une connaissance spécifique des patients. Quand ils les voient partir, ils aimeraient que les intervenants externes et les membres de l’entourage tiennent compte de leurs avis et recommandations pour que les interventions entreprises pendant l’hospitalisation ou à l’Urgence aient une suite et un impact positif.

L’information valorisée c’est aussi celle que l’on recherche, celle dont on a besoin pour prendre une décision, pour s’organiser ou pour avoir accès aux ressources et services. Demandez aux parents qui cherchent où s’adresser pour avoir le traitement le plus efficace pour leur enfant ou l’aide technique qui faciliterait leur quotidien. Que dire de l’intervenant qui se demande ce que le précédent a dit et prescrit avant lui, ou qui attend les résultats d’un examen. L’information apparaît comme une ressource clé. L’information valorisée, c’est aussi celle qu’on ne soupçonne pas mais qu’on aimerait qu’on nous transmette pour nous éviter une conséquence désagréable ou pour vivre une situation plus agréable. C’est l’information manquante qui nous fait dire : «Si j’avais su…, si on m’avait dit que…». Dans le même ordre d’idées, bien des personnes ont des difficultés à capter l’information dont ils ont besoin dans la masse des informations qui circulent et plusieurs autres ne comprennent pas les informations telles qu’elles sont transmises.

Les qualités d’une bonne information

Tout compte fait, les qualités d’une bonne information dans le domaine socio-sanitaire peuvent se résumer en trois points. L’information doit d’abord être personnalisée, ensuite, elle doit être précise, facile à saisir et à utiliser, enfin, elle doit être disponible au moment opportun c’est-à-dire au moment où la personne en a besoin.

Une information personnalisée ça veut dire une information qui touche les gens personnellement, compte tenu de leur situation et de leurs besoins ; ce n’est pas de l’information générale ou de l’information en vrac. Les personnes utilisatrices de services et les membres de leur entourage, dans les situations d’urgence où ils ne sont pas familiers et où ils se sentent mal assurés, ne veulent pas d’un bottin de toutes les ressources possibles. Ils veulent des références singulières et fiables, ils veulent être dirigés vers des personnes-ressources avec qui ils vont se sentir en confiance. Si l’information est justifiée avec des arguments correspondant aux besoins des personnes concernées, elle aura plus de valeur et de portée. Autrement dit, l’information doit être adaptée à la personne qui la reçoit et à ses conditions actuelles.

Une information précise, facile à saisir et à utiliser, c’est une information qui a plus de chance d’être utile et appréciée. Si les détails et les indications nécessaires pour avoir accès à un service ou une personne-ressource sont donnés clairement et en totalité, l’action sera facilitée et les résultats risquent d’être meilleurs. Un des moyens pour y arriver est de donner une information écrite que la personne pourra conserver et utiliser au moment opportun. Pour ce faire, il est donc utile d’avoir du papier et des crayons pour écrire, des feuillets d’information qu’on peut distribuer et un bottin des ressources dans lequel on pourra puiser l’information pertinente. Un autre moyen de donner une information utile et utilisable est de s’assurer que la personne ait bien compris ce qu’on lui a dit en lui demandant de résumer nos propos.

Enfin, en lien avec ce qui précède, une information donnée au moment opportun fait une grande différence parce que c’est là qu’on en a besoin et qu’on va l’utiliser. Autrement, si la personne est préoccupée par autre chose ou confuse quant à ce qui se passe, elle risque de ne pas retenir et utiliser l’information donnée. Comme il n’est pas toujours évident de reconnaître le bon moment et qu’on veut donner tout ce que l’on juge nécessaire, il est possible d’en faire trop, trop vite ou trop tard. Pour que l’information soit captée et utilisée, il est souvent nécessaire de la répéter dans le temps, avec différents moyens et divers arguments. Dans cette perspective, à l’Urgence, que ce soit pour un problème de santé physique ou de santé mentale, il est particulièrement utile de communiquer avec les membres de l’entourage de la personne traitée pour s’assurer que l’information est comprise, partagée et conservée pour un usage futur. À cet égard, dans les situations où les membres de l’entourage accompagnent une personne ayant un trouble de santé mentale, il convient de les référer aux associations membres de la Fédération des familles et des amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM) pour qu’ils y reçoivent de l’information continue et du soutien. Ils seront ainsi aidés à jouer leur rôle d’accompagnateur et à collaborer avec les intervenants pour le bien de la personne utilisatrice de services.

En résumé, l’information est destinée aux personnes et passe par les relations humaines. Pour être utile, l’information doit être personnalisée, précise et disponible au bon moment.

Monique Carrière Ph. D.

Professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval

Membre du Groupe de recherche sur l’inclusion sociale, l’organisation des services et l’évaluation en santé mentale (GRIOSE-SM)

Membre du comité de certification de la Fédération des familles et des amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)

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